- EUCLIDE
- EUCLIDEL’œuvre euclidienne est couronnée par les Éléments , traduits dans toutes les langues anciennes et modernes, monument mathématique qui a représenté, pendant plus de deux millénaires, un modèle d’exposition déductive d’une science exacte à partir de quelques définitions et propriétés admises sans démonstration. Certes, cette construction n’est pas parfaite, mais la notion de démonstration chez Euclide est déjà la même que la nôtre, et son effort conscient pour renoncer à l’expérience sensible, en dégageant clairement des postulats, est à l’origine de la méthode axiomatique.Un homme ou une école?On ignore tout de la vie d’Euclide et il fut longtemps confondu avec le philosophe Euclide de Mégare que Platon fait intervenir au début du Théétète. D’après Proclus, Euclide enseignait, à Alexandrie, sous le premier Ptolémée, soit entre 323 et 285 avant notre ère. Il appuie son affirmation sur l’autorité d’Archimède «car, écrit-il, Archimède qui survint postérieurement au premier Ptolémée mentionne Euclide». Dans les œuvres du Syracusain telles qu’elles subsistent, Euclide ne se trouve cependant cité que dans une interpolation absurde et maladroite du livre Ier du traité Sur la sphère et le cylindre .En fait, Appollonios de Perga est le premier mathématicien qui parle nommément d’Euclide, dans la préface du livre Ier de ses Coniques (fin du IIIe siècle avant notre ère ou début du IIe). D’ailleurs Pappus, qui le nomme très souvent, cite ses divers ouvrages, et en particulier les Éléments, et déclare qu’Appollonios passa un temps très long avec les disciples d’Euclide à Alexandrie. Mais le principal éditeur de Pappus, Hultsch, pense que le passage de la Collection où figure ce témoignage aurait été interpolé. La comparaison des Phénomènes d’Euclide avec le traité De la sphère en mouvement d’Autolycos de Pitane porte à admettre l’antériorité de ce dernier, qui fut le maître d’Arcésilas, fondateur selon Diogène Laërce de la moyenne Académie. Celui-ci ayant vécu entre 314 et 240, on peut considérer comme approximativement contemporains Euclide et Arcésilas, si l’on accepte que le premier ait été plus ancien qu’Archimède. D’ailleurs, dans les Phénomènes , Euclide qui utilise dans l’introduction le mot «horizon» sans précautions en donne plus loin une définition technique, soit que le terme ait été dans cette acception de formation récente (on le trouve dans les Météores d’Aristote), soit que, les Phénomènes étant un ouvrage élémentaire, il ait été de bonne doctrine d’y préciser soigneusement le vocabulaire. Or, dans l’Arénaire , Archimède utilise le mot fréquemment, sans en donner la définition. On peut voir dans ce fait un indice, assez faible, de l’antériorité d’Euclide sur le savant de Syracuse.Les mathématiques qu’exposent ou auxquelles font allusion Platon et Aristote sont généralement plus primitives que celles des Éléments et on sait, au témoignage formel d’Archimède, que les théories du livre XII sont dues à Eudoxe. On peut en conclure avec vraisemblance qu’Euclide est postérieur à Platon, à Eudoxe, à Aristote, à Autolycos et qu’il appartient donc soit aux dernières décennies du IVe siècle, soit plus probablement au IIIe. Les difficultés de la chronologie, lorsque l’on accepte l’existence physique d’un seul Euclide, s’atténuent si l’on admet que son nom est le titre collectif d’une école mathématique. On pourrait concevoir un mathématicien Euclide, entouré d’élèves groupés en ateliers sous sa direction et continuant, peut-être encore après sa mort, à produire des ouvrages signés de son nom. C’est un peu la situation de Pythagore et de ses disciples. La lecture des Éléments prouve, presque à l’excès, qu’il y a là plus une collecte d’écrits épars, anciens ou nouveaux, que l’œuvre d’un seul homme. Certes, l’impression d’unité se ressent à la lecture de chacun des treize livres; mais, au passage de l’un de ces livres à l’autre, le style mathématique varie assez pour que l’on éprouve quelque scrupule à les attribuer tous au même homme.L’œuvre euclidienneIl reste de l’œuvre euclidienne les treize livres des Éléments , les Données , les Phénomènes , la Division du canon , et l’Optique . Sont encore accessibles une Catoptrique , une Introduction harmonique et un fragment Du léger et du lourd , mais ces trois derniers ouvrages sont considérés comme apocryphes.On connaît une version arabe de la Division des figures et Pappus signale trois livres sur les Porismes, deux livres sur les Lieux à la surface et quatre livres sur les Coniques. C’est à propos de ce dernier travail qu’Euclide est cité par Appollonios.Euclide traite de la géométrie plane dans les quatre premiers livres des Éléments ainsi qu’au livre VI et dans les Données. Appartient au même domaine la Division des figures , traité élémentaire dont le thème est la division d’une aire polygonale ou circulaire, dans un rapport donné, par une droite de direction donnée ou passant par un point donné. Le traité des Porismes, consacré aussi à la géométrie plane, se situe à un niveau très supérieur. Il se rattache à la géométrie projective et, en particulier, à la division harmonique.Le livre Ier des Éléments est précédé de définitions, de «notions communes» ou axiomes, et de cinq demandes ou postulats, dont le plus célèbre est le dernier: «Si une droite, tombant sur deux droites, fait les angles intérieurs du même côté plus petits que deux droits, ces droites, prolongées à l’infini, se rencontreront du côté où les angles sont plus petits que deux droits.» C’est le célèbre «postulat d’Euclide». Il était nécessaire pour appliquer le raisonnement mathématique à la géométrie. On sait aujourd’hui que plusieurs géométries élémentaires sont possibles; mais, pour que les géométries non euclidiennes soient utilisables, il faut pouvoir employer les fonctions circulaires et hyperboliques. Les Grecs, qui ne disposaient que de l’algèbre babylonienne adaptée à leur géométrie, devaient ou admettre le postulat, ou abandonner toute recherche scientifique dans ce domaine. Ne pas tenter de le démontrer, ni de le considérer comme évident est le fait d’un mathématicien très profond; ainsi apparaît pour la première fois la méthode axiomatique [cf. AXIOMATIQUE].Le livre Ier commence par la construction du triangle équilatéral et se termine par le théorème de Pythagore. Le deuxième livre s’occupe des fondements de l’algèbre géométrique des Grecs. Le livre III, toujours élémentaire, traite des propriétés du cercle. Le livre IV étudie l’inscription dans le cercle des premiers polygones réguliers, et leur circonscription. Le cinquième livre, très beau et difficile, n’est véritablement compris que depuis la fin du XIXe siècle. Il est consacré à la notion du rapport, et a servi de modèle à R. Dedekind pour sa théorie du continu (1872). Ce n’est que sur de très faibles témoignages qu’on veut l’attribuer à Eudoxe. Le livre VI fait un retour à la géométrie et étudie la similitude dans le plan. Les livres VII, VIII et IX forment le traité le plus ancien de théorie des nombres. On y trouve les notions de plus grand commun diviseur, de nombre premier et de nombre parfait. Le livre X, fort long, de lecture difficile aujourd’hui, étudie les irrationnelles quadratiques. Le mot «binôme» est le seul terme mathématique qui subsiste, au travers d’une traduction latine, de ce volumineux traité. C’est sur son modèle qu’ont été forgées ultérieurement les expressions «trinôme», «polynôme». Avec le livre XI commence la géométrie dans l’espace. Le livre XII, consacré à l’aire du cercle et aux volumes des pyramides, cônes, cylindres et sphères est, au témoignage d’Archimède, l’œuvre d’Eudoxe. Quant au livre XIII, il est réservé aux polyèdres réguliers ou corps platoniciens. Un livre XIV, postérieur, est dû à Hypsiclès (IIe siècle de notre ère). Comme le précédent et un livre XV qui date du VIe siècle, il traite des polyèdres réguliers.Les livres sur les Coniques et sur les Lieux à la surface , qui s’occupent de courbes du second ordre, ont été éclipsés par les ouvrages analogues d’Appollonios.Les Phénomènes sont une introduction à l’astronomie. L’Introduction harmonique et la Division du canon sont des ouvrages de théorie musicale. L’Optique et la Catoptrique sont consacrées à l’optique mathématique grecque. Le traité Du léger et du lourd , d’esprit aristotélicien, est réservé à la mécanique.Euclide(IVe-IIIe s. av. J.-C.), mathématicien grec. Fondateur de l'école d'Alexandrie, il rassembla en un seul ouvrage (éléments de géométrie) toutes les connaissances de géométrie plane, développant la méthode axiomatique: il faut admettre des propositions, les axiomes, pour pouvoir en démontrer d'autres; par ex.: "Par un point extérieur à une droite, on ne peut mener qu'une seule parallèle à cette droite."
Encyclopédie Universelle. 2012.